... magazine culturel indépendant, lui commande ses premières illustrations. Rapidement, d’autres magazines font appel à lui. En seulement huit ans, cet autodidacte devient une figure incontournable de l’illustration.
DIRECT ET SYMBOLIQUE
Il travaille aujourd’hui pour de grands titres de la presse française (Le Monde, L’Express, La Croix, L’Obs, Les Échos, etc.) et étrangère (The Boston Globe, Tampa Bay Times, de Volkskrant). Guillaume Musso, l’auteur le plus lu en France avec 1,5 million d’exemplaires à chaque nouvelle parution, le choisit pour la couverture de ses deux derniers romans : La Vie secrète des écrivains et La Vie est un roman. L’éditeur Gallmeister, spécialisé dans la littérature américaine, fait aussi appel à ses services. Le chanteur Benjamin Biolay lui commande un dessin pour accompagner chacune des chansons de son album Grand Prix.
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Mathieu Persan est partout. Si son graphisme rétro et rectiligne, style Art déco des années 1920 et 1930, plaît autant, ce n’est pas un hasard : « Il ya une tendance à idéaliser le passé. On se dit ‘‘c’était mieux avant !’’ J’ai l’impression que les gens ont envie de ce graphisme rétro, très direct et symbolique. » Il avoue pourtant : « Parfois, j’aimerais savoir vraiment dessiner à la main ou peindre. » D’ailleurs, il ne se voit pas comme un artiste, mais comme quelqu’un au service du client : « L’illustration sert d’abord à mettre en valeur quelque chose d’autre : un article de journal, un disque, un livre, un évènement, etc. L’essentiel est de transmettre la bonne émotion et le bon message. »
TRADUCTIONS COMPLIQUÉES
Sans le vouloir, Mathieu Persan devient mondialement célèbre au début de la crise sanitaire du Covid-19, au printemps 2020. Quelques jours avant l’annonce officielle du premier confinement, il réalise pour ses amis l’affiche Restez à la maison. On y voit une petite maison au milieu d’un champ et un texte listant les activités possibles : Travaillez. Lisez des livres. Regardez des films. Jouez à des jeux vidéo. Dessinez.
Réfléchissez. Écrivez. Cuisinez… mais restez à la maison. Ou encore : Ça n’a jamais été aussi facile de sauver des vies.
Une fois postée sur les réseaux sociaux, son illustration devient virale en quelques jours. Des gens du monde entier le contactent pour qu’il traduise l’affiche dans leur langue. Chaque traduction est effectuée par plusieurs personnes afin de croiser les avis. Ce qui a entraîné parfois des complications : « J’ai vu des prises de bec entre deux personnes sur la traduction japonaise. Elles n’étaient absolument pas d’accord sur un signe qui, selon elles, ne rendait pas justice à la traduction. C’était au sujet d’une subtilité entre l’injonction et le conseil. Une subtilité qu’on n’a pas dans la langue française. »
Quel est le secret de la réussite de cette illustration ? Certainement le décalage entre la police d’écriture très « militaire » et l’ambiance paisible du paysage. « Souvent, les bonnes illustrations fonctionnent grâce aux contrastes », précise l’auteur.
Pour aider le personnel soignant, il organise une prévente de son affiche signée. 3 157 tirages sont ainsi vendus, permettant de récolter près de 80 000 euros. Une somme qui a permis d’améliorer les conditions de travail et de vie des soignants dans les hôpitaux publics : mobilier, matelas, cafetières… « Je me suis rendu compte de la vétusté des hôpitaux publics en France. Au téléphone, on me disait ‘‘c’est génial, on va pouvoir s’acheter des chaises !’’ Je répondais ‘‘comment ça ?’’ ‘‘Oui, on ne peut pas s’asseoir 5 minutes pour se reposer, car on n’a pas de chaises...’’ »
COUVERTURES DE MAIGRET
Depuis peu, Mathieu Persan illustre les rééditions allemandes des aventures du commissaire Maigret, de Georges Simenon. Cette fois-ci, pas de place pour l’interprétation : « Il faut être assez littéral. Si c’est Maigret macht Ferien, je dessine une plage. Si l’histoire se passe à Montmartre, il faut mettre Montmartre. L’illustration doit plonger le lecteur dans cette ambiance des années 1940 et 1950, avec ce côté films noirs. »
Aujourd’hui, quand ils inscrivent la profession du père sur la fiche de présentation à la rentrée scolaire, les enfants de Mathieu Persan écrivent : « illustrateur ». Toutefois, le désormais célèbre artiste a conservé son emploi. À temps partiel. Par sécurité. « Je ne sais pas de quoi demain sera fait. Dans 10 ans, si ça se trouve, l’illustration ne sera plus du tout utilisée. On sera revenu à la photo ou on aura inventé un nouveau genre de communication. Peut-être que je n’aurai pas ma place à ce moment-là. »
Pour le moment, Mathieu Persan croule sous les commandes. Il a même relancé son vieux projet de comédie musicale.
Digital Blues de Mathieu Persan, affiche réalisée après Restez à la maison (page 36)